Interview de Mireille Tansman Zanuttini
Par Roxane Elfasci.
Interview publiée dans Guitare Classique n°95. Mars-Mai 2021.
Mireille Tansman Zanuttini nous accueille rue Blumenthal dans le petit appartement rez-de-jardin où a vécu son père, Alexandre Tansman, de 1948 jusqu’à sa mort en 1986.
Vous et votre sœur Marianne êtes très actives dans la diffusion et la sauvegarde de l’œuvre de votre père. En quoi a consisté ce travail ?
Nous avons fait don à la Bibliothèque Nationale de France de plus de trois cent manuscrits, de la correspondance qui remplissait tout un placard, et de photos. C’est un travail qui a pris des années car il faut référencer très précisément chacune des pièces archivées. Aujourd’hui, nous continuons à cataloguer pour la BNF tous les évènements où sont jouées ses œuvres. J’en suis à l’année 2018 ! Nous avons également participé à l’édition de beaucoup d’ouvrages sur mon père et nous répondons aux nombreuses demandes de documentation. Il a aussi fallu faire des démarches administratives pour installer la plaque commémorative à l’entrée de cet immeuble où mon père et nous avons vécu à notre retour des Etats-Unis.
Votre père évoque cet appartement dans ses Mémoires. C’était un lieu de passage pour beaucoup d’artistes. Lesquels vous ont marqué ?
Je me souviens bien sûr de Segovia qui était vraiment un ami. Il s’installait dans ce fauteuil et indiquait quoi changer sur les partitions. Segovia était quelqu’un de très généreux. On allait le voir l’été en Italie, à l’Académie Chigiana où il enseignait, et il invitait souvent tous les jeunes à dîner sur la place de Sienne. Je me souviens aussi de Daniel Barenboim amené par ses parents. Il était tout bouclé, à peine âgé de 6 ans. Il a joué une sonate de Mozart au piano ! Et puis il y avait souvent les meilleurs amis de mon père : Jankélévitch, Golschmann et le couple Milhaud.
Quelles sont les œuvres pour guitare de votre père qui vous touchent le plus ?
Probablement la Cavatina, même si je l’ai entendue au moins cent fois ! J’aime aussi la Suite in modo polonico. Et puis, c’est tellement bien joué aujourd’hui. J’ai gardé un très beau souvenir du Festival de Guitare de Paris de 2019. J’y ai découvert un guitariste, Marko Topchii. Il jouait des œuvres de mon père ! Les Variations sur un thème de Scriabine, la Passacaille et la Mazurka. C’était magnifique, je l’ai félicité après le concert.
Un livre sur la guitare dans la vie d’Alexandre Tansman a paru récemment aux éditions Habanera. Quel a été votre rôle dans sa publication ?
Antonin Vercellino, le jeune fondateur des éditions Habanera, a organisé un hommage à Lyon en 2018. Ma sœur Marianne avait écrit un long discours mais elle a eu une extinction de voix juste avant alors c’est moi qui l’ai lu ! Le texte du livre est issu de cette conférence.
Vous venez d’une famille de musiciens : outre votre père, votre mère Colette Cras était une pianiste concertiste et votre grand-père Jean Cras était compositeur. Avez-vous été tentée de suivre cette voie ?
Marianne et moi avons fait du piano lorsque nous étions jeunes. J’ai donné des cours de piano pendant vingt-cinq ans mais je n’ai jamais été une pianiste professionnelle. J’ai fait des études de philosophie à la place. Jankélévitch était mon directeur de thèse. J’ai travaillé pour les éditions universitaires de la Sorbonne et je me suis aussi improvisée impresario du pianiste et compositeur Michaël Levinas. C’est lui qui préside aujourd’hui l’association « Les Amis d’Alexandre Tansman ». À cause de l’épidémie, les réunions ont été suspendues mais j’espère qu’elles reprendront bientôt !